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Page:Lemonnier - Adam et Ève, 1899.pdf/374

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fraîches laitues, les tubercules riches en pulpe. De la vache était né le troupeau paissant dans la savane. Avec du sable, des cendres végétales et des coquilles réduites en pâte et vitrifiées dans l’ardent creuset, j’avais fait le verre qui combla le vide des fenêtres et éclaira la joie des chambres.

Ève et moi avions été humbles et soumis devant la nature ; nous n’avions pas fait couler l’eau là où croissent les chênes ni dérangé l’ordre immuable ; et elle avait travaillé pour nous. Là-bas grondait la tragique souffrance des villes. D’horribles clameurs déchiraient les horizons fumants. Il y avait là-bas des hommes qui croyaient connaître la joie ! Il y avait là-bas des hommes si malheureux ! Mon Dieu ! que ce temps est loin ! Je t’assure, beauté, ce n’est plus là qu’un souvenir. En délaissant le mensonge et retournant à la nature, nous avons connu les sentiments purs tels qu’ils sont enseignés par le troupeau, les doux animaux errants et l’évangile des arbres. Une simple épouse aux yeux frais, par la vertu de ses gestes constants et harmonieux, m’a