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Page:Lemonnier - Adam et Ève, 1899.pdf/41

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garde, tu vas blesser Dieu. » Et la cognée me tombe des mains, comme si cette voix non plus, je ne l’eusse point encore entendue.

Il me vint l’impression étrange que la forêt la berçait dans ses bras verts, que cette âme nue comme dans les légendes dormait sous l’œil paternel des hêtres. Non, nature, je ne t’outragerai pas ! Je sortis de la maison. J’entrai dans le bois mouillé. Le jour ne descendait pas encore et à présent j’étais dans le grand murmure délicieux de la pluie, avec mon cœur farouche et ingénu. Je ressentais une peine lasse qui rendait mes genoux pesants. J’aurais voulu avoir le chien auprès de moi comme au temps de ma solitude. La chaleur fraternelle de son poil eût réjoui mes mains. Mais cette bête ne quittait plus Janille. Jamais je ne m’étais senti aussi seul. J’étais comme un ardent jeune homme qui ignore encore le baiser d’amour d’une femme.

L’aube but la pluie, le ciel s’émailla de clarté. Cette longue et lourde nuit enfin s’en alla de mes épaules et la terre aussi fut délivrée. J’aspirai avec force l’odeur du matin. Un