Aller au contenu

Page:Lemonnier - Adam et Ève, 1899.pdf/65

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

main. J’avais fléchi le jarret, j’appuyais mon front contre le sien, dans la chaleur de ses cheveux. La clarté humide de ses yeux brûlait à ma joue, comme des gouttes de vie ardente. Nous restâmes ainsi un peu de temps silencieux l’un près de l’autre, et puis je lui dis : « Vois, je tiens amoureusement ton genou dans ces doigts, et à présent nous sommes comme un homme et une femme qui se seraient pris en mariage. » Oh ! comme cette parole monta timidement du fond de mon être ! Comme elle fut tout à coup à ma bouche toute ma race depuis les origines ! Au bord des fleuves un homme antique de mon sang avait pareillement pris les genoux d’une vierge dans sa main et lui avait dit : « Entre toi et moi il n’y a plus que tes genoux fermés. »

Elle tourna vers moi ses yeux frais ; son sourire monta comme la jeune lune à mon premier soir dans la forêt. Ensuite elle posa les deux mains sur mes épaules et elle dit : « Maintenant fais de moi ce que tu veux : je serai toujours ta servante. »