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Page:Lemonnier - Adam et Ève, 1899.pdf/66

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La bénigne nature seule nous apprend ces mouvements divins. Et voici, cette Janille était vierge comme l’aube qui mène le chœur des heures et elle me dit là le mot dont la première femme sous le pommier enchaîna l’époux. Moi, je buvais son sourire comme un jus frais ; mes larmes mouillaient ses cheveux. Nous étions deux créatures primitives, dans le trouble émerveillé du jeune désir. Nos âmes nues avaient froid délicieusement dans les frissons clairs du jour.

L’humanité éternelle alors commença de bégayer à nos bouches. Je lui dis comme en rêve : « Écoute ceci, chère Vie. Je te fuyais et je ne cessais pas d’être avec toi. Tu m’étais bien plus présente dans l’absence. Tu fus pour moi toute la forêt avec ses arbres et ses oiseaux et je t’appelais des noms du jour et de la nuit. Oh ! ne dis pas que déjà alors tu m’aimais ! Je ne pourrais entendre cela sans mourir de bonheur. Et cependant, oh oui ! dis-le moi, douce amie ! M’aimais-tu déjà tandis que moi, avec mon cœur gonflé dans les mains, je m’en allais au bois t’écouter