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Page:Lemonnier - L'Hallali, sd.pdf/12

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l’hallali

Une race guerroyeuse et terrienne, dans cette force qui s’égalait aux puissances de la nature, se refusait à s’éteindre. Sous les ans, il gardait la structure et l’air d’un des rudes campeadors, ses ancêtres, rois dans leur domaine.

Près de lui, Jean-Norbert, son fils, essoufflé et court, les gencives mauvaises, avait l’humble mine et l’âme sournoise d’un paysan. C’était lui qui cultivait le champ, labourait, ensemençait, faisait la cueillette du verger et engraissait les porcs, une odeur de terre et de purot dans les habits. Le baron l’avait eu sur le tard d’une concubine, ménagère et gouvernante au château, épousée par la suite en une heure tragique où la mort l’avait flairé de près. Micheline Bœuf, de nature frêle et toussoteuse, avait transmis à l’enfant son hérédité de petites gens de la campagne.

Longtemps malchanceux, ces Bœuf, soudainement enrichis par l’alliance, étaient enfin devenus des rentiers dans les villages.

— Tu m’as coûté trois fermes à toi seul, bâtard, disait le grand Quevauquant à son rejeton.

La mère, d’une fièvre maligne, avait passé, il y avait de cela trente ans, le laissant aux mains d’un père qui l’avait élevé sauvagement en petit loup rôdeur, dans ce domaine de marais et de bois qui justement s’appelait Pont-à-Loups, Pont-