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Page:Lemonnier - L'Hallali, sd.pdf/13

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l’hallali

à-Leu, selon la langue du pays. Jean-Norbert n’ayant appris à lire ni à chiffrer, ce fut Sybille, l’aînée de ses deux filles, qui, en grandissant, lui tint ses comptes. Comme on vivait dans un autre temps, il l’avait envoyée faire d’abord trois ans de pension dans un couvent.

Jean-Norbert, à côté de sa femme, put donc dormir une couple d’heures. Quand il se réveilla, un matin de fin d’octobre, par les fenêtres sans rideaux, entrait en coups de soleil brusques, cassés par les rafales. Déjà là-bas Jumasse, le valet, rechargeait la litière de Bayard ; il les servait depuis un quart de siècle, demeuré près d’eux dans la grande maison appauvrie, comme un parent infime qui paie sa nourriture en travail.

Tout de suite, Jean-Norbert pensa au bois des Chênes ; sans doute l’ouragan y avait fait du chablis. Mais à la fois, un autre souci lui peignait le cœur. C’était justement ce morceau de l’antique chevance que le Vieux depuis un peu de temps rêvait d’aliéner pour s’en faire de l’argent, lui, le bourreau d’argent de la maison.

À l’étage, maintenant la marche recommençait, bourrue, talonnant à travers cette partie du logis, qui avait été l’appartement de la mère du baron et formait une suite de pièces. Les pas de part en part allaient, semblaient faire des trous