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Page:Lemonnier - L'Hallali, sd.pdf/166

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l’hallali

Vieux abattant comme par le passé ses quatre ou cinq heures de route quotidienne. C’était bien la marche à larges foulées du maître, assuré de poser partout le pied sur les territoires conquis où, avant le sien, s’était imprimé le pas des ancêtres.

D’une mémoire précise, il appelait fermiers et lorandiers par leur nom, aimant tailler une bavette par-dessus les haies quand, à la poursuite d’un gibier, il n’écrasait pas les choux de leurs courtils. Le petit cultivateur, l’homme des bordes médiocres, d’ailleurs, lui avait gardé un vague culte révérent, confiant encore dans un retour possible des munificences d’autrefois. Au contraire, l’ancien serf enrichi, le valet gras, nourri de ses dépouilles, dans ce Pont-à-Leu tout à coup sorti de l’ombre et devenu un des gros bourgs de la contrée, continuait à le happer tout en le brocardant. Un Piéfert, lui repassant en petits prêts à la file un peu de l’argent soutiré, avec l’espoir de se rembourser sur une part du domaine, caractérisait bien la férocité sournoise et madrée de ces chacals. Il avait deux fils et rêvait pour l’un, d’esprit éveillé, les hauts emplois à la ville, pour l’autre, borné, tout au moins l’hégémonie dans leur zone de labours.

Il avait à craindre, malheureusement, un rival tenace dans le petit seigneur de Mon Plaisir.