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Page:Lemonnier - L'Hallali, sd.pdf/225

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l’hallali

lemment que son chapeau en demeura aplati comme une galette et que, croyant son heure dernière arrivée, elle se mit à réciter la prière des agonisants. Mais un coup de fouet les prenait en travers et, cette fois, ils partaient devant eux, bondissant, tirant sur les rênes, dans un vent d’haleines et de crinières. Sybille, maîtresse d’elle-même, les lèvres serrées, toute sa volonté concentrée au pli de ses sourcils, leur tenait tête, froidement résolue, aussi calme qu’aux jours lointains où, assise à côté de Jumasse, elle s’amusait à conduire le tombereau que véhiculait Bayard. La légère voiture enfila le porche, rasant la borne, soulevée d’une roue par-dessus la douve.

— Pardonnez-nous nos péchés, disait Barbe, plus morte que vive.

Lechat, croyant tout perdu, regarda sous lui le fossé, furieux d’avoir cédé au caprice de cette fille enragée. Mais l’attelage d’une ruée passait, s’enfonçait sous les châtaigniers clairsemés de l’ancienne avenue. Les essieux, dans la terre molle, ravinée de fondrières, tanguaient. Elle sentit les chevaux lui gagner sur la main. Un écart d’un centimètre et on fût allé se briser contre les arbres. Les ramenant brusquement à la force des poignets, elle les tint à l’arrêt, épouvantés et frémissants sous les volées du fouet.