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Page:Lemonnier - L'Hallali, sd.pdf/41

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l’hallali

un village entier à chacun de mes repas. Eh bien ! je vendrai tout ; j’entends faire de mon bien ce qu’il me plaît. Je vais, de ce pas, chez les étripeurs de la ville, faire marché de ma vieille peau d’aristocrate. Allons, mon cheval !

On n’aurait jamais cru que le coursier ainsi évoqué, à l’égal du haut-ferrant des preux, fût le maigre, borgne et rouvieux ronsin que Jumasse se décidait enfin à tirer de l’écurie.

Le gentilhomme, s’étant passé sa trompe en travers du corps, d’un coup de poing enfonça son bonnet à ses tempes et rageusement descendit les marches du perron. Alors Jean-Norbert qui, dès le début de cette scène, était rentré au château par la cour de la ferme et écoutait, caché derrière une des fenêtres, vit le curé, de ses bras ouverts, lui barrer le chemin, criant très haut :

— Un baron de Quevauquant peut bien vendre sa peau comme vous dites, mon ami, mais il ne vend pas ses ancêtres. Or, aliéner ce qui vous reste de vos aïeux après tant de coupables folies, ce serait non seulement vendre votre âme au diable, ce serait par surcroît faire marché de votre race et de votre sang. Eh bien, je dis, moi, que vous ne ferez pas cela : j’en prends à témoin les armoiries qui sont là au-dessus de votre tête.