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Page:Lemonnier - L'Hallali, sd.pdf/97

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l’hallali

il voyait descendre le grand-père et celui-ci se mettait à réchauffer à l’incendie ses cuisses et ses genoux en passant les mains dessus, tranquillement.

Le froid de la mort aux os, il appela Jaja qui, à l’autre bout de la pièce, couchait dans un lit, trop petit, d’où sortaient ses pieds.

— Jaja, où es-tu ? je te vois pas, je meurs, Jaja !

La grande nuit des campagnes pesait autour d’eux. Par les fenêtres sans rideaux, comme un fleuve noir elle entrait, noyant tout. Il sortit de ses draps, entra sous ceux de Jaja, et elle ne lui parlait pas, toute évanouie de sommeil encore, mais de ses mains chaudes lui touchant le front, le cou, les joues. Au-dessus d’eux le pas de l’ancêtre fauchait l’ombre et le silence.

— Frérot, qu’as-tu ?

— Si tu savais, Jaja ? Il y avait là un homme qui mettait le feu aux lits.

Elle le sentit glacé, tira la couverture et l’y roula comme un petit enfant, de la tête aux pieds. Ensuite elle le prenait dans ses bras, toute frissonnante sous une chemise à trous qui lui venait de sa mère et lui tombait jusqu’aux pieds.

— Oh ! oh ! oh ! disait-elle, tu as vu cela ? Et où c’est qu’il est, l’homme ? Dis voir un peu, mon frérot, tu ne m’entends pas ? Je te demande