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Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/157

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la fumée est si forte que la lampe paraît toute rouge au travers, comme les réverbères quand il fait du brouillard. Et quand les petits auront mangé, en soufflant sur les pommes de terre de toute la force de leurs bonnes grosses joues, ils mettront leur petite tête sur leurs bras, et alors ce sera le moment de les porter coucher. À nous deux maintenant, la mère ! Une bonne pelletée sur le feu ! Les petits ronflent comme les pipes dans lesquelles ils soufflent des bulles de savon, le dimanche, quand il fait mauvais. Viens près de moi, là, et chauffons-nous bien, car il gèle dehors. Alors j’allumerai la belle pipe qu’elle m’a donnée l’an dernier à ma fête et dont la tête, qui représente un bon vieil homme qui rit, commence à se noircir. Et je fumerai jusqu’à l’heure d’aller au lit, en buvant un bon verre de bière bien froide. » Il marche plus vite, en pensant à toutes ces joies, et quand il entre dans la petite chambre pleine de fumée, de bruit et de cris d’enfants, il se dit : « Tout est bien, puisque tout est selon mon cœur. » Ah ! voyez-vous, Lamy, il n’y a rien au delà d’une bonne journée bien remplie.

— Non, dit Lamy, en regardant madame Lamy, quand on a une bonne femme.

— Et des enfants, dit madame Lamy en soupirant.

— Ah ! dit M. Muller, on n’a pas tout à la fois. Et c’est tant mieux, car si on avait tout, on n’aurait plus raison de se plaindre ; et c’est si bon de se plaindre un peu — quand on est heureux.

Une odeur délicieuse qui venait du côté du poêle, lui fit lever la tête, et il écarquilla ses narines en disant :

— Voilà madame Lamy qui nous a fait sûrement quelque chose de bon.

Lamy renifla à son tour et dit avec conviction :

— C’est du chocolat.