Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/158

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— Comment pouvez-vous dire que c’est du chocolat ? fit M. Muller. Il est facile de sentir que c’est de la bière chaude, au sucre et aux œufs.

Madame Lamy ne disait rien, et la figure tournée du côté de l’ombre pour ne pas laisser voir qu’elle riait, elle pensait :

— Ils seront bien surpris tantôt quand ils sauront que c’est du vin chaud.

Elle levait de temps à autre le couvercle du poêlon et une fumée bleue s’en échappait, avec une odeur de citron et de cannelle ; elle remuait ensuite le vin avec une cuiller de bois, et parfois, l’ayant remplie, elle la laissait s’épancher de haut. Et chacun la regardait, sans rien dire, pensant tout bas :

— Nous allons bien voir ce que madame Lamy nous a fait là.

Les tasses remplies, Lamy mit le nez sur la sienne et dit :

— C’est dommage que nous n’ayons pas plus souvent de ces friandises-là.

M. Muller songeait :

— Quand j’étais petit et que c’était Noël, la mère faisait une grosse terrine de chocolat, bien noir et bien bouillant, comme celui-ci. Nous nommions ça du caffotje. Et il y avait sur une assiette de grandes brioches dorées qu’on cassait par petits morceaux dans les tasses. J’ai toujours aimé le chocolat.

M. Lamy, enflant ses joues jusqu’aux oreilles, se mit à souffler sur sa tasse et but une gorgée ; puis il regarda sa femme, Jean et M. Muller qui venait de boire une gorgée comme lui et le regardait aussi. Et tout à coup M. Muller éclata :

— C’est du vin chaud, Lamy. Comment avez-vous pu prendre du vin chaud pour de la bière ?