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Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/320

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voir, — elle semblait épeler les mots pour mieux en percer le sens.

Puis elle se prit à marcher à grands pas par la chambre dans le bruit de son jupon de boucran battant ses genoux ; elle fit ainsi six fois le tour de la table, ni une fois de moins ni une fois de plus ; et toujours elle marmottait des paroles qui ne sortaient pas de ses lèvres. Alors il arriva ceci : Castor, qui s’était oublié dans un coin, s’imagina qu’elle lui donnait la chasse, et se mit, lui aussi, à courir en rond autour de la table, de toute la vitesse de ses courtes jambes, la queue entre les cuisses, mais pas assez vite pour que ma bonne tante dont les enjambées s’accéléraient, ne l’atteignît et ne lui écrasât la patte de toute la largeur de ses chaussons. En un instant toute la maison retentit des glapissements du pauvre roquet. Ce qui n’empêcha pas mon excellente parente de lui administrer une correction soignée. Et tout à coup elle revint se piéter devant moi, hochant la tête, tout attristée et me disant :

— Oui, Stéphane, me voilà dans de jolis draps. Sac à papier, mon garçon, c’est une belle affaire qui me tombe sur le dos. Qu’est-ce que j’ai à voir, moi, dans toutes leurs bisbilles ?

Elle se montra ce matin-là, d’une humeur tout à fait détestable ; un moment même elle fut sur le point de descendre chez les demoiselles Hoftje pour se plaindre du bruit qu’elles faisaient en nettoyant leur cuisine : car c’était le samedi ; mais elle ne descendit pas. Elle s’assit devant son encrier, après avoir pris dans son armoire une plume et un petit cahier d’Angoulême ; ensuite elle mit la plume dans ses dents, se gratta le sourcil, posa son menton sur ses mains, eut l’air de chercher ; mais bientôt, repoussant résolument le papier, elle s’écria :