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Page:Leo - L Ideal au village.pdf/191

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Pour moi, il me suffit que vous soyez ma femme pour que je sois sûr d’être heureux. »

À quoi Rose répondit en pleurant :

« Vous savez bien que je vous aime. »

Mme Arsène eût bien voulu en entendre davantage ; mais un froissement du feuillage lui fit craindre d’être découverte, et, se retirant avec précaution, elle reprit sa route. La délicatesse de ses nerfs étant en rapport avec la délicatesse de ses sentiments, cette digne personne était toute tremblante.

Quelle infamie ! quoi, c’était M. Lucien, un jeune homme si comme il faut, qui, pour mieux séduire une fille honnête, lui promettait le mariage ! car enfin ce ne pouvait être qu’une séduction. Un jeune homme de ce rang n’épouse pas une paysanne. Bon pour les Pontvigail, qui depuis longtemps s’étaient avilis et ne comptaient plus !

Aussi Mme Arsène avait-elle toujours pensé que Mlle Cécile avait tort de recevoir Rose chez elle comme elle le faisait. Il faut se tenir à sa place et laisser chacun à la sienne. Grâce à cette imprudence, qui avait en outre l’inconvénient d’exalter la passion du jeune homme, Rose pouvait croire à ses fallacieuses promesses.

N’abusait-il pas du nom de sa sœur ? Ah ! malheureux enfants ! privés des conseils et de la direction d’une mère. Heureusement Mme Arsène était là, et elle ne douta pas que ce ne fût le ciel qui l’avait envoyée chez eux, comme il venait encore de l’envoyer dans ce bois. Arrivée dans l’église, et s’étant prosterné dans l’attitude de la dévotion la plus profonde, elle pria Dieu de l’éclairer sur ce qu’elle avait