Page:Leo - L Ideal au village.pdf/205

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Mais, reprit Louis, je suis très-entêté en effet dans mes sentiments.

— Exalté plutôt, dit Cécile.

— Vous me trouvez trop exalté ? demanda Louis en la regardant avec la soumission que donne la tendresse.

— Pas dans l’amour du bien, répondit la jeune fille, mais dans la haine.

— Et n’est-ce pas la même chose ? s’écria-t-il. Peut-on aimer le bien sans haïr le mal, et compatir aux souffrances des victimes sans détester leurs persécuteurs ? Non, de pareilles maximes ne peuvent servir qu’à éterniser l’oppression sur la terre et qu’à seconder l’injustice et la tyrannie ! Non ; il y a assez longtemps que les dieux et les rois s’entendent ; assez longtemps que la vie future leur sert à escamoter la vie réelle ! Non ; j’en prends Dieu même à témoin, j’ai droit de frapper qui me frappe et de maudire qui me hait ! »

Il s’arrêta tout à coup, voyant qu’il s’était laissé emporter.

« Si j’osais lui demander sa tête ! » pensait Lucien en contemplant avec une admiration d’artiste les expressions puissantes de la physionomie de son hôte.

Mais, confus de sa vivacité, Louis s’efforçait d’être calme.

« Vous me blâmez, n’est-ce pas ? dit-il à Cécile.

— Je trouve seulement que vous n’avez pas tout à fait raison. Je suis d’avis, comme vous, qu’il faut résister à l’injustice ; mais la haine contre ceux qui font le mal est une injustice aussi, car ils sont les