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Page:Leo - L Ideal au village.pdf/215

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ce réfractaire du monde social, qui s’élevait si énergiquement, au nom de l’amour et de la famille, contre les mœurs ignobles dont elle-même avait souffert.

Plus elle l’avait connu ensuite, plus elle avait été frappée de l’élévation de cette âme, ombrageuse mais grande, et qui avait l’excuse — et l’attrait — de longues et cruelles souffrances. Elle avait été presque déconcertée la veille en voyant apparaître un homme encore jeune, et beau d’énergie, à la place de cet être sans âge et sans sexe qu’elle avait adopté pour son protégé, et qu’elle aimait comme cela, si peu charmant qu’il fût.

Pourquoi s’était-il ainsi transformé ? Elle s’était fait cette question la veille avec un peu d’inquiétude et n’avait plus de doute maintenant. Ce pauvre malheureux l’aimait ; il s’était donné à elle, et devant ce don si grand, si touchant, Cécile restait éperdue, le cœur agité de pitié, de crainte, de tendresse, ne pouvant se résoudre à l’accepter, mais à le repousser moins encore.

Elle éprouvait un si grand besoin d’être seule, dans le tumulte où cette lettre l’avait jetée, qu’elle s’échappa de la maison et prit par les bois, où elle s’enfonça au plus profond du taillis. Là, sous une cépée de hêtres que traversaient à peine quelques rayons tremblants sur la mousse, elle relut plusieurs fois la lettre de Louis.

Que demandait-il, grand Dieu ! Rien que la vérité sur la vie, sur le monde entier ! Et que pouvait-elle répondre ? Simplement ce qu’elle croyait, et elle le ferait de tout son cœur, de toute la force de sa con-