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Page:Leo - L Ideal au village.pdf/239

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contrées depuis. Non, vous dis-je, l’instinct de certains animaux est quelquefois plus prompt et plus sûr que l’intelligence humaine. Argus vous a devinée. Il a compris ce que vous étiez pour moi… »

Il s’arrêta, puis reprit bientôt :

« Ce chien ne me quitte pas. Quand je suis seul, il est avec moi ; quand j’entre quelque part, il m’attend au lieu que je lui désigne. Il ne reçoit de nourriture que de ma main, car on a voulu me l’empoisonner.

— Est-il possible ! s’écria Cécile.

— Tout m’est disputé, s’écria-t-il, tout, excepté ce qui pour moi est inacceptable. Mais, vous avez raison, ceci est l’effet, non point d’une haine sauvage, mais d’une avarice qui ne comprend rien en dehors de ses tristes satisfactions. Et puis, vous l’avez dit, l’antagonisme des idées envenime la lutte… Malgré tout, je vous assure, un jugement calme est bien difficile à garder au milieu de ces tourments.

— Oh ! je le comprends, dit-elle, saisie de compassion et prête à l’exempter de cette obligation de force et de calme qu’elle lui avait faite.

— J’y arriverai cependant, reprit Louis avec énergie, car je le veux ! Les conseils que vous avez bien voulu me donner ne doivent pas être perdus. Je me raidirai. Oui, je dois dominer de toute la hauteur du mépris, de toute la supériorité de la raison, de lâches et mesquines attaques.

— Il faudra surtout vous y soustraire, dit Cécile. Ces luttes vous épuisent.

— Quitter le pays !… » murmura-t-il.