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Page:Leo - L Ideal au village.pdf/250

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sayé de la séduire. Ce que vous faites est d’un noble cœur.

— En vérité, dit-il, je ne mérite aucun éloge pour aimer une fille honnête et belle, et pour vouloir être heureux.

— Si, vous en méritez, reprit-elle, parce que vous seul peut-être estimez l’amour ce qu’il vaut, et que vous le préférez aux ambitions et aux vanités, auxquelles tant d’autres le sacrifient. Qui donc en ce monde estime l’amour ? ajouta Lilia d’un ton exalté. On n’en parle pas même ; on rougirait d’y attacher quelque importance, on le foule aux pieds ; on le brise ; et ceux même (ici, elle soupira profondément), ceux qui autrefois l’ont invoqué le dédaignent bien vite. »

La jeune femme, en achevant ces mots, se renversa languissamment sur le canapé et mit la main sur ses yeux en poussant un nouveau soupir.

Elle ne peut cependant avoir à se plaindre de son mari, pensa Lucien, et il dit tout haut :

« Il est encore beaucoup d’hommes qui préfèrent l’amour à toute chose ; vous même, chère cousine, vous avez été aimée par un de ceux-là. »

Lilia, en relevant la tête, eut un sourire amer :

« J’ai été aimée, oui, dit-elle en appuyant sur le passé du verbe ; mais l’amour n’est-il qu’un songe éphémère ? la poursuite de satisfactions, après lesquelles il s’évanouit ?… Non, ceci est une triste supposition, que dément l’instinct du cœur, et que je repousse. N’est-ce pas mon cousin, — elle serra fortement la main de son interlocuteur, — n’est-ce pas que l’amour est une vérité ?