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Page:Leo - L Ideal au village.pdf/283

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vraiment de sentiments plus humains ; c’était Argus, qui se tenait aux côtés de son maître, reculant comme lui pas à pas, et dont l’œil intelligent, fixé tour à tour sur les deux interlocuteurs, suivait tous leurs mouvements avec inquiétude.

« Répondez ! s’écria M. de Pontvigail d’une voix menaçante ; répondez, et prenez garde à votre réponse. Vous allez me suivre de ce pas aux Maurières et chez le maire, et je veux qu’avant un mois vous ayez épousé Rose. »

Louis, acculé contre le montant de la cheminée, n’avait plus de refuge qu’en cherchant à fuir. Il dédaigna de le faire. Sa colère, d’ailleurs, pour être froide et contenue, n’en était pas moindre. Sous le regard étincelant et furieux de son père et sous ses menaces, il resta donc immobile, et de ses lèvres pâles jeta seulement ces mots :

« Je ne l’épouserai pas ! »

Pour cet esprit de domination qui n’accepte point de limites et va foulant aux pieds tout droit, tout respect d’autrui, c’est chose terrible et qui pousse à la folie que de se trouver arrêté tout à coup par la borne immuable d’une simple volonté. La raison du vieux despote chancela contre cet obstacle. Un nouveau flot de sang envahit son visage et mit des flammes dans ses yeux ; il jeta autour de lui des regards ivres, troublés, et, saisissant un de ces énormes chenets de fer qui meublent les cheminées de campagne, avec une étonnante vigueur, il l’enleva et le brandit sur la tête de son fils.

« Louis, sauvez-vous ! s’écria Gothon. Monsieur, au nom de Dieu ! ne faites pas un malheur ! »