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Page:Leo - L Ideal au village.pdf/330

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sais ce qui se passe en lui, ni pourquoi il se tait ; mais il en mourra.

— Non, dit Lucien, tu te fais des chimères. Ce Louis est une âme bizarre que je ne puis m’expliquer. Nous resterions dix ans ici qu’il serait le même.

— Eh bien ! répliqua-t-elle, ne nous verrions-nous pas tous les jours ? »

Elle affecta bientôt plus de force aux yeux de son frère ; mais elle souffrait d’horribles déchirements de cœur et sentait sa vie perdue. Par moments, elle ne pouvait même comprendre qu’elle se laissât ainsi arracher par la malveillance d’autrui tout ce qui lui était cher et sacré, cette entente secrète si douce avec une âme si pure et si haute, et cet échange de tendresse qui remplissait de lumière et de chaleur tous ses jours.

Par-dessus tout, une mortelle inquiétude l’agitait au sujet de Louis, inquiétude que Lucien ne pouvait comprendre et qui l’irritait lorsque Cécile en laissait échapper quelque témoignage. Il reprenait alors les raisonnements qui les avaient décidés, montrait que son honneur et son devoir de frère lui défendaient d’accepter plus longtemps la responsabilité d’une situation pareille, et s’appuyait sur ce point inexplicable, écrasant, du silence de Louis. C’était là où la fierté blessée de Cécile inclinait au doute. Elle s’avoua enfin qu’elle ne pouvait demander à Lucien une abnégation plus longue, et dès lors s’interdit toute hésitation.

Pendant ces huit jours, les visites de Louis furent plus assidues, plus longues que jamais. Arrivé dès