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Page:Leo - L Ideal au village.pdf/331

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midi, il était souvent encore là dans la soirée. Tandis que Cécile, un ouvrage d’aiguille à la main, feignait d’en être occupée, Louis, assis non loin d’elle, pâle et triste, la contemplait. Ils restaient souvent silencieux.

Quelquefois ils traitèrent de sujets graves, avec attendrissement ou exaltation ; mais ils n’abordèrent pas celui du départ, craignant chacun leur propre faiblesse.

Une ou deux fois Cécile se mit au piano, mais elle fut bientôt obligée de s’interrompre ; car elle voyait Louis pleurer, la tête dans ses mains, et elle se sentait elle-même sur le point de fondre en larmes, d’aller à lui, de l’interroger et de lui tout dire ; mais une invincible fierté la retint. Même dans ces cœurs, elle était assez forte pour dominer l’amour et briser leur destinée.

Les deux derniers jours, Louis aida à clouer les boîtes où l’on emballait les meubles, et tous les apprêts du départ passèrent sous ses yeux. Lucien y mettait une sorte de cruauté. Argus, au milieu de ce mouvement qu’il considérait avec inquiétude, poussait de temps à autre des gémissements et interrogeait de longs regards attristés son maître et Cécile.

« J’ai une prière à vous faire, dit Louis la veille du départ, emmenez Argus. »

La jeune fille tressaillit à cette parole et regarda son ami profondément.

« Pourquoi cela ? demanda-t-elle.

— Je tiens beaucoup à ce qu’il vous suive.

— Mais vous l’aimez. Il vous a sauvé la vie. Vous pouvez encore avoir besoin de lui. »