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Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/176

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d'aller au feu éclatait sur tous les visages ; d'avance on s'excitait pour la lutte.

L'amiral Courrejolles qui vint nous adresser des paroles d'encouragement, semblait enchanté de la bonne tenue et du bel élan des hommes. Il nous fit savoir que désormais les vivres ne manqueraient plus et qu'il avait pris des dispositions énergiques à ce sujet. A cet effet, il fit installer un magasin de vivres en face de notre poste, au bord du fleuve, et le fit garder par une canonnière. Mais il nous manquait des effets d'habillement ; les nôtres étaient presque en lambeaux ; nos chaussures également s'en allaient en morceaux à la suite de nos travaux de terrassement.

A la colonne, on adjoignit une fraction de linh chinois (ces hommes sont recrutés au Tonkin parmi les Chinois qui y sont nés) ; on la compléta enfin par un détachement de télégraphie optique.

Nous nous mîmes en route le 5 novembre 1899 à six heures du matin, dans la direction de Mac-Giang. Pendant ce temps, deux navires de guerre s'avançaient sur le fleuve un peu en arrière de Ché-Cam. Avant notre arrivée devant un mamelon où nous devions commencer l'action, les deux navires de guerre ainsi que les canons de notre poste envoyèrent par-dessus nos têtes leurs obus à mélinite sur la ville où les Chinois donnaient asile à des bandes de pirates. Aussi, lorsque nous atteignîmes le mamelon, nous assistâmes à un spectacle terrifiant. Le fort chinois dégringolait et la ville prenait feu ; les canons faisaient un tapage d'enfer et lorsque les navires et le poste cessaient de tirer, c'était notre artillerie qui recommençait. Ce bruit assourdissant étouffait les transmissions d'ordres et la fumée était telle qu'un épais brouillard nous cachant tout se forma vite devant nos yeux. Cependant, nous prenions la formation de combat ; mais cette fois nous étions lestés par un déjeuner froid pris avec nos officiers à qui nous avions offert sans façons des œufs durs et un peu de viande froide.