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Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/184

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de plusieurs centaines de mètres ; la colonne s'avançait ainsi sur un front de plusieurs kilomètres. Une fois sur la crête, nous aperçûmes l'ennemi sur nos flancs. C'étaient des fuyards qui s'étaient reformés et dont le tir essaya vainement de nous inquiéter.

Sans s'arrêter, on continua la marche sur Van-Luoc et, vers cinq heures du soir, nous entrâmes, baïonnette au canon, dans ce réduit de la défense chinoise. Nous y trouvâmes dans presque toutes les maisons des quantités de poudre, des fusils, des sagaies et des arquebuses. Outre l'armée régulière qui l'occupait, la ville était un véritable repaire de pirates et d'autres bandes de voleurs armés que les mandarins employaient contre nous.

Si le résultat de cette journée était avantageux pour nous, il ne le fut pas moins pour le peuple de Quang-Tchéou-Wan. Le commerce se rétablit comme par enchantement, les travaux de culture reprirent, les marchés furent de nouveau fréquentés. Les Chinois nous vendaient les produits de la terre et du travail. Jamais, pendant mon séjour sur ce territoire, il ne s'éleva une plainte quelconque de la population que nous traitions non en ennemi vaincu, mais avec indulgence et bonté. Les mandarins eux-mêmes, qui étaient auparavant nos adversaires acharnés, vinrent au nouvel an rendre hommage à nos chefs et leur apporter les cadeaux d'usage. Mais pour en arriver là, il avait fallu beaucoup de sang versé des deux côtés par la faute des instigateurs de la révolte. Il est certain que, dans les mêmes circonstances, les soldats de certaines autres nations civilisées n'auraient pas montré une pareille mansuétude. Qu'on se rappelle le siège de Magdebourg et tant d'autres ! La France, elle, s'est toujours montrée généreuse et bonne envers ses ennemis de la veille, et elle tient à cœur de conserver sa haute réputation de bienveillance et d'humanité.

Le lendemain, d'après les ordres de l'amiral arrivés dans la nuit, on nous fit rebrousser chemin. Une flanc-