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Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/185

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garde se heurta encore à une fraction chinoise qui fut dispersée après un quart d'heure d'engagement. Vers dix heures, nous entrions à Ché-Cam qui, la veille, nous avait fermé ses portes et qui maintenant s'empressait, et pour cause, de les ouvrir toutes grandes à notre approche. Nous la traversâmes avec les drapeaux que nous avions pris à l'ennemi (pour mon compte, j'en avais un en soie rouge avec une inscription en blanc). Au son des clairons, les hommes, à l'exclusion des femmes, accouraient devant leurs maisons et, en bons apôtres, prenaient un air affable, souriaient et se courbaient devant nos chefs. Vers midi, nous faisions notre entrée à Pé-Sé où les matelots qui nous avaient remplacés pendant notre absence se précipitèrent vers nous et nous embrassèrent avec transport. Puis, nous commençâmes à accrocher des drapeaux aux quatre coins du poste.

Le lendemain, l'amiral vint nous apporter ses félicitations. Il nous dit qu'avec nos chefs et des hommes comme nous on pouvait tout oser. — Vous avez longtemps souffert, ajouta-t-il, mais c'est la fin qui couronne l'œuvre. Avec un travail opiniâtre, on vient à bout de tout. Le ministre ne tardera probablement pas à vous envoyer ses félicitations personnelles. En attendant, j'ai demandé que la médaille coloniale avec l'agrafe de la colonie soit donnée à tous ceux qui ont combattu ici.

D'autre part, les officiers de la flotte en rade de Fort-Bayard adressèrent à notre capitaine une lettre dans laquelle ils exprimaient leur admiration pour lui et pour sa compagnie. — Vous voyez, nous dit celui-ci, combien votre bravoure est admirée de tous. Quant à moi, je vous ai déjà remerciés sur le champ de bataille ; aujourd'hui je vous remercie encore, et non pas seulement ceux qui survivent, mais aussi ceux qui sont morts dans l'accomplissement de leur devoir. — En prononçant ces dernières paroles, il nous quitta, presque les larmes aux yeux ! Et je sentis à ce moment que