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Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/223

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choqué. Le général Metzinger s’en était d’ailleurs vite aperçu et y avait mis bon ordre dans sa brigade. Rien n’est en effet plus décourageant en campagne que de voir quelques-uns boire et manger pendant que les autres se serrent le ventre, sachant cependant qu’ils ont les mêmes droits. Au surplus, il est bien facile de régler les choses équitablement. Mettons qu’il y ait par bataillon six cents hommes et cinquante sous-officiers. On pourrait, ce me semble, conserver le vin pendant six jours, surtout lorsque l’on sait que le séjour sera d’une durée assez longue, et distribuer ensuite un quart de vin pour deux hommes. En procédant ainsi, on satisferait tout le monde et on éviterait cette chose fâcheuse qui consiste à favoriser cinquante hommes au préjudice de six cents. En campagne, quand les vivres manquent, les anciens soldats se font un devoir de remonter leurs jeunes camarades ; ils leur font comprendre que dans une nouvelle colonie les moyens de transport sont autrement difficiles qu’en France pendant les manœuvres, et que la pénurie de vivres n’est nullement la faute des officiers. Mais quand ils voient les uns manger et boire (ne serait-ce qu’une bouchée de pain et quelques centilitres de vin) et les autres les regarder, les jeunes, encore peu aguerris, cherchent sous prétexte d’anémie à se faire diriger sur les ambulances, et celles-ci s’encombrent, malheureusement au préjudice des vrais malades. Les médecins, pour s’en débarrasser, les évacuent presque toujours. Qui en supporte les conséquences ? Ceux qui restent, car le tour de service de garde et de corvée revient plus fréquemment, les fatigues augmentent et un jour arrive où, avec la meilleure volonté du monde, on n’en peut plus. Alors on est obligé de quitter la colonne et les effectifs fondent à vue d’œil.

Il faut dire aussi qu’en campagne, les troupes de l’arrière mangent et boivent trop volontiers à la santé de celles qui sont en avant.

Le colonel Rondony, en dehors de ce que je viens de