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Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/224

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dire, nous encourageait de son mieux. D’abord, il nous tenait toujours au courant de ses actions. Dans un de ses rapports, il nous disait que nous devions être fiers de la mission qu’on nous avait confiée, d’être en première ligne. Il nous engageait à nous montrer dignes de la confiance placée en nous. A Lou-Kou-Kiao, presque la moitié du bataillon était atteinte de diarrhée ou de dysenterie. Mais, malgré quelques accès de découragement, les jeunes soldats obéissaient aux anciens. Je suis persuadé que plus tard ils nous en sauront gré. Nous les avons conseillés et guidés pendant toute la campagne, comme c’était notre devoir, comme c’est le devoir de tout gradé et de tout soldat expérimenté, pour peu qu’il tienne à l’honneur et à l’esprit du corps auquel il appartient.

Il était convenu qu’à Lou-Kou-Kiao, en cas de danger, les Français iraient rejoindre les Anglais qui occupaient la cité et qu’on se tiendrait sur la défensive. Pendant un mois nous fûmes au régime du riz et du sel, de sorte que je commençai à ne plus parler de l’alimentation dans mon journal de marche. Un jour cependant, des jeunes soldats de plusieurs compagnies allèrent réclamer verbalement chez le colonel contre le manque de vivres. Celui-ci les admonesta sévèrement. Il leur dit que cette réclamation était indigne de soldats d’une arme qui a l’honneur de porter le drapeau français aux quatre coins du monde. C’était parfaitement juste et tous les anciens furent d’accord là-dessus, sachant bien que le colonel ni aucun de nos chefs n’y pouvaient rien. D’ailleurs nous n’avions pas à rechercher à qui incombait la responsabilité. Dans chacune de mes campagnes, le manque de vivres a toujours eu la- même cause : l’absence ou l’insuffisance des moyens de transport ; et ces moyens, ce ne sont pas nos chefs qui peuvent les créer. Donc nous n’avions aucun droit de nous plaindre, car nous étions tous volontaires et quand on part en campagne, on ne va pas précisément à un banquet.