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Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/226

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assez tristes. Plusieurs camarades de notre bataillon, qui avaient été évacués récemment pour dysenterie, venaient de mourir. Tout le monde était également éprouvé. Les effectifs diminuaient à vue d’œil. Plusieurs compagnies qui comptaient un mois auparavant cent cinquante hommes, n’avaient plus au mois d’octobre que quatre-vingts hommes environ. Un pareil déchet devait évidemment être attribué au mauvais choix des hommes, car dans chaque compagnie on comptait presque la moitié de jeunes soldats ou de rengagés venant des régiments de la guerre. Les uns et les autres étaient à peine débarqués en Chine qu’ils avaient déjà la nostalgie, maladie qui mine l’homme et le rend morose, indifférent à tout et incapable d’une action énergique. A mon sens, il ne suffit pas de viser au nombre dans une expédition coloniale. Il vaut sûrement mieux réduire l’effectif des unités et choisir des hommes sur lesquels on puisse compter. Nous avons là-dessus assez d’exemples et de leçons. Il conviendrait d’en profiter.

Le 9 octobre, laissant un bataillon à Lou-Kou-Kiao, nous avançâmes jusqu’à Liou-Li-Ho, localité très importante, située sur la rivière du même nom, que les Allemands avaient également bombardée. Dès notre arrivée, on nous signala la présence d’un fort détachement de Chinois, des réguliers disait-on, qui étaient chargés par Li-Hung-Tchang de la répression du mouvement boxer. Notre colonel se tenait néanmoins sur ses gardes et faisait surveiller étroitement cette troupe. Ma compagnie fut envoyée sur le flanc droit de la colonne, avec mission de requérir des voitures, mulets, bœufs et porteurs. Vers midi, nous atteignîmes une localité entourée d’un mur formidable. C’était le premier village entièrement habité que je voyais sur le territoire du Petchili. A la porte d’entrée, nous fûmes reçus par les autorités chinoises en tenue de cérémonie. Les visages exprimaient la peur, mais conservaient le sourire aux lèvres. Ce sourire