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Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/228

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est complètement dépourvue de ces bambous qui, dans d’autres régions, rendent un réel service aux troupes en campagne. Au mois d’octobre, le froid commençait déjà à être très sensible. On supportait dans la journée la capote et la vareuse ; la nuit, nous gelions dans nos cases dépourvues de portes et de fenêtres. Le 13, je vis pour la première fois un convoi de chameaux chinois à deux bosses, dont l’allure était plus lente et plus lourde que celle des chameaux d’Algérie. Les nouvelles que nous recevions de Pékin étaient de plus en plus tristes. La mort y continuait son œuvre néfaste en fauchant journellement des jeunes gens restés à la portion centrale des régiments. Ma compagnie qui au début de la campagne comptait un effectif de cent cinquante hommes, était réduite à soixante-dix au milieu d’octobre. C’était, dans l’espace de moins de trois mois, plus de la moitié du personnel hors de combat. Ces chiffres expliquent que si le départ de France pour une expédition se fait toujours avec un certain enthousiasme, il n’en est pas souvent de même pour le retour !

Le 13 au soir, une colonne internationale venant de Pékin, composée de Français, d’Allemands, d’Anglais, d’Italiens et commandée par un général anglais, arriva à Liou-Li-Ho. C’était une belle occasion de voir et de juger ces troupes en marche. Après une étape de 50 kilomètres tout d’une traite, les Italiens, et je le dis impartialement, me semblaient être les plus fatigués. Ils avaient le plus grand nombre de traînards et d’éclopés. Ces derniers, je les ai comptés par paquets de dix à quinze hommes. L’ajustage défectueux de leur tenue de campagne était probablement pour beaucoup dans cette débandade. Dans un couvrepieds qu’ils portaient en bandoulière, tout leur linge et leurs vêtements de rechange étaient enveloppés. Ils y avaient attaché aussi leurs outils de campement et leurs chaussures, arrimage qui leur oppressait la poitrine et rendait la marche excessivement pénible.