Aller au contenu

Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/247

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au tournant de la montagne, plus rien ! la bande s’était cachée ou enfuie. Nous continuâmes notre route au trot, tout en nous gardant par des cavaliers en avant, sur nos flancs et en arrière. Les sentiers étaient tellement mauvais qu’il fallut renoncer à dépister les ennemis et à les suivre. À chaque instant, un cheval s’abattait sur le sol rocheux et son cavalier avec lui. Nous arrivâmes enfin à la Grande Muraille sans autre accident que des écorchures, nos effets déchirés et nos armes dans un piteux état.

D’après le dire de notre aumônier, aucun Européen n’avait encore pu pénétrer jusqu’aux Tombeaux de l’Ouest avant l’arrivée du corps expéditionnaire.

Le lendemain de notre retour à Mou-Ling, le conseil de guerre se réunit sous la présidence du commandant Fonssagrives pour juger les Boxers qu’on avait capturés ; deux d’entre eux furent condamnés à mort et passés par les armes séance tenante ; les autres reçurent chacun cinquante coups de bâton. Deux jours après, nous fîmes une nouvelle reconnaissance à l’ouest de la Grande Muraille. Le commandant nous dit que nous étions les premiers Européens ayant mis les pieds sur cette partie du sol chinois. À notre approche, tous les indigènes s’étaient enfuis dans les montagnes, emportant avec eux leurs biens mobiliers sur des mulets. Sur une de ces montagnes, nous poursuivîmes un troupeau de bœufs et de chèvres ; trois cavaliers, dont j’étais, chargèrent jusqu’au milieu de la montée, où nos chevaux à bout de souffle s’arrêtèrent et refusèrent d’avancer. Alors nous descendîmes pour courir en avant. Je tirai un coup de fusil en l’air. La détonation arrêta les fuyards qui restèrent comme pétrifiés et un spectacle peu commun s’offrit à nos yeux. Pendant que les femmes cachaient leurs figures dans leurs mains (quelques-unes étaient fort jolies et je ne pus me tenir d’en embrasser une qui, dans sa surprise, ne fit aucune résistance), les hommes entouraient les troupeaux. Parmi les femmes, plusieurs