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Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/248

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étaient, des pieds à la tête, habillées d’une étoffe de soie blanche ou de couleur tendre, qui moulait leurs formes et faisait davantage encore ressortir leur plastique et leurs charmes. La plupart avaient des pieds minuscules de poupée, et je me suis demandé comment elles pouvaient courir dans les montagnes avec des extrémités aussi délicates et aussi menues.

Voyant qu’on ne leur faisait aucun mal, elles levaient timidement vers nous des visages attendris. Je cherchai à les calmer par ces mots « Pô-so, Fagoa hâou » (n’ayez crainte, les Français ne sont pas méchants). J’ai pensé que si les Russes s’étaient trouvés à notre place, ils auraient fait main basse sur les richesses, car les fuyards avaient presque toute leur fortune dans des sacs et des caisses chargés sur les mulets. Quant aux femmes… Mais le soldat français, quoi qu’en disent les méchantes langues, n’a pas l’instinct du pillage. Je l’ai remarqué dans toutes mes campagnes. Il ne prend que ce qui lui est indispensable pour vivre. Il est vrai que les Chinois ne se montraient pas plus reconnaissants pour cela envers nous. Mais au moins ceux qui nous ont vus à l’œuvre ne peuvent nous reprocher certains actes vraiment répréhensibles qu’ont sur la conscience les soldats de telles autres nations. Dans cette affaire, nous nous sommes emparés de quatre-vingts bœufs, cent vingt-cinq chèvres et cinq moutons, mais en expliquant bien aux propriétaires de ce bétail qu’ils devaient venir à Mou-Ling où ils seraient immédiatement payés.

Nous rejoignîmes enfin la colonne et nous allâmes passer la nuit dans un village voisin dont toute la population s’était enfuie. Le jour suivant nous continuâmes la reconnaissance en laissant le convoi au village ; tout se passa sans incident et le soir nous revînmes passer la nuit près de nos troupeaux. Mais le lendemain matin, en reprenant la route des Tombeaux, plusieurs petites bandes de Boxers cherchèrent à nous inquiéter. Elles nous suivaient sur des crêtes