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Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/277

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pour risquer ainsi sa vie au milieu des montagnes et d'une population hostile, n'ayant d'autre alternative que d'être assassiné ou de mourir de faim. J'avais d'ailleurs toujours considéré ce soldat comme un déséquilibré ; à ce propos, je ne puis m'empêcher d'insister une fois de plus sur l'absolue nécessité de choisir avec un très grand soin les hommes destinés aux corps expéditionnaires coloniaux et de refuser des jeunes gens de vingt ans qui ne révent de partir pour les pays lointains qu'afin d'y gagner croix, médailles et autres avantages. Et, comme il y a mille chances contre une pour que leurs espoirs soient déçus, ils changent bientôt du tout au tout. Les uns se font évacuer sur un hôpital, d'autres se suicident, d'autres encore désertent, et font ainsi le désespoir de leur famille et le déshonneur du corps auquel ils appartiennent. La mauvaise répartition des hommes qui place tous les jeunes soldats dans les mêmes compagnies ou batteries et tous les anciens dans les autres, est également une faute grave de la part de l'autorité chargée des affectations. Ce sont là des détails qui semblent insignifiants en garnison, mais qui en campagne prennent une grande importance Or, dans toutes mes expéditions, et plus particulièrement en Chine, j'ai vu le même fait se reproduire.

Le 22 mai, à cinq heures moins dix du matin, un courrier spécial nous apporta de Lou-Kou-Kiao l'ordre de nous mettre aussitôt en route dans la direction de Lang-Sien. En moins de dix minutes, nous étions habillés, équipés, armés et, à cinq heures précises, nous quittions notre poste à jeun. Après une heure de marche, nous rencontrions notre capitaine avec le reste de la compagnie et un peloton monté. Une demi-heure plus tard, ce fut notre commandant qui, avec trois compagnies venant de Chou-Chéou, opéra sa jonction avec nous. Nous commençâmes à battre la brousse en faisant une véritable chasse à l'homme. C'était toujours la même bande que nous poursuivions ;