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Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/35

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jeunes soldats ne s'arrête pas aux futilités. On leur apprend tout de suite des choses pratiques et utiles. Le légionnaire est surtout dressé pour la vie du soldat en campagne, et le tir est très encouragé. Pour le reste : hygiène, travaux de propreté, paquetage, ce sont les vieux légionnaires qui instruisent les jeunes. Le service intérieur commandé par les gradés est réduit à sa plus simple expression, si tant est qu'il existe. Car chacun sait ce qu'il a à faire et le bon sens suffit à guider sa conduite dans les événements de la vie de chaque jour. Le gradé n'intervient que rarement, et tous ceux qui ont passé dans une caserne de légionnaires, ou qui ont vu ceux-ci sur les navires ou en campagne, savent leur initiative, leur esprit de débrouillage et leur adresse à se tirer de toutes les situations. A la caserne, les chambres habitées par les hommes sont d'une propreté absolue, le jour comme la nuit, et tous les travaux d'entretien dans les chambrées sont faits spontanément, avec la meilleure volonté du monde. Les hommes vivant dans la plus grande intimité avec leurs caporaux, les considèrent comme de véritables amis. En un mot, je suis convaincu que jamais l'antimilitarisme ou l'indiscipline ne pénétreront dans nos régiments de la Légion ; les hommes sont trop attachés à leurs chefs pour mentir à leurs traditions.

Trois mois après mon incorporation, je fus désigné pour partir dans le sud, au bataillon de Géryville. Je fis alors avec Crista une dernière visite à notre Arabe. Elle était d'ailleurs intéressée ; il s'agissait d'obtenir quelques conseils sur la conduite à suivre vis-à-vis des Arabes du sud.

— Ecoute, mon ami, me dit-il ; je connais Crista depuis longtemps, et tu m'es sympathique comme lui-même. Je te conseille ceci : méfie-toi toujours des habitants du sud. Ne te promène jamais avec un Arabe dans un endroit désert. N'entame jamais avec lui de conversation au sujet de sa religion. N'entre jamais dans un gourbi sans en connaître l'habitant et sans