Aller au contenu

Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/79

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de cris, que de pleurs, j’y ai vus et entendus ! C’est inimaginable ! Je me souviens encore d’un camarade nommé Berger qui, en débarquant en même temps que moi au Dahomey, disait qu’il trouvait le climat bon et qu’il se proposait de rester dans le pays, une fois son service militaire terminé. Pauvre Berger ! Il y est bien resté, mais au cimetière, mort de la fièvre hématurique. Les médecins, dans cet hôpital comme dans celui de Porto-Novo, étaient absolument sur les dents ; ils montraient pour les malades un dévouement sans bornes.

Le nombre de nos médecins militaires que j’ai vus succomber à la tâche dans mes différentes colonies est assez grand. Souvent, dans ces maladies des pays tropicaux, ils ne peuvent rien contre la mort qui vous guette. Ils essaient d’adoucir les souffrances, tout en souffrant eux-mêmes ; car beaucoup d’entre eux sont des hommes de cœur, surtout ceux qui ont vécu de la même vie que les soldats, dans les campagnes coloniales. J’ai entendu ces paroles de l’un d’eux qui prononçait quelques mots d’adieu sur la tombe encore ouverte d’un infirmier. « La souffrance est le premier lien social. Les hommes se réunissent moins pour partager leurs joies que pour adoucir leurs peines. »

La vie à Cotonou n’était pas chère. Pour quelques sous, on achetait un poulet. Dans l’intérieur du pays, les indigènes, au marché, ne voulaient pas accepter notre monnaie, car la monnaie dahoméenne avant la guerre consistait en petits coquillages ramassés sur la côte. Cette monnaie servait à acheter des articles sans grande valeur. Les marchandises de quelque importance s’échangeaient entre indigènes. Ce commerce d’échange est très répandu dans toute l’Afrique Occidentale ; aussi, les Européens employés aux factoreries font-ils des affaires d’or. Le nègre apporte à la factorerie le produit du sol, huile et amandes de palme, et il reçoit en échange un tissu de la qualité la plus inférieure ou un alcool qui n’atteint jamais 40 degrés. Le blanc se frotte les mains tandis que le noir se frotte