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Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/91

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dans la vaste brousse, au milieu de laquelle nous trouvâmes un véritable bazar d’articles variés : pièces de soie, de laine, et autres tissus de valeur. Il est à remarquer que dans cette poursuite où tous les soirs nous étions exténués de fatigue, le général ne s’est jamais trompé dans ses prévisions. Aussi, Behanzin, poussé successivement vers le sud, vers l’ouest, empêché d’aller vers le nord pour rallier son armée, traqué par nous jour et nuit, arriva enfin près de Végo où il fut pris. On l’amena à Goho et de là à Cotonou.

Dans mon groupe, se trouvaient deux caporaux, anciens officiers français démissionnaires, de D... et de B... Ce dernier était mon caporal d’escouade ; bel homme, de haute taille, mais ancien officier de cavalerie et âgé d’une quarantaine d’années, il était habitué probablement au bien-être, et peu apte à supporter les longues marches et les fatigues. De B... était, du reste, un homme charmant et faisait tout son possible pour être agréable à son escouade. Malgré son titre, il n’avait aucune morgue et nous aidait dans toutes les corvées. Au bivouac, il cherchait à nous distraire par ses causeries spirituelles.

Onze jours avant la capture de Behanzin, le général Dodds avait nommé comme roi du Dahomey le prince Gonthi, frère de Behanzin, sous le nom d’Ago-li-Agbo. Il fut solennellement présenté au peuple par les princes, sur la place du Palais Simbodji, à Abomey. En même temps, le drapeau français était arboré, salué par vingt et un coups de canon et on déclarait que le Dahomey était placé sous la protection de la France.

Ainsi se terminait cette belle et dure campagne, grâce à la sage méthode de cet homme éminent et de grand cœur qu’est le général Dodds. Il est probable que, dans vingt ans, le nom de ce chef, qui a donné une nouvelle colonie à son pays, sera tombé dans l’oubli. Selon la loi connue, tout l’honneur reviendra à ses successeurs, et comme le monde s’en tient tou-