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Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/93

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Novo et de Cotonou. Behanzin était arrivé avant nous dans cette dernière ville. Il était accompagné de trois de ses anciens ministres, de son fils, un gentil garçonnet de huit à dix ans, d'une dizaine de femmes et de trois mulâtres, Lino, Georges et Cyrille de Souza, qui avaient servi auprès du roi comme conseillers et comme artilleurs Les ministres et les trois mulâtres furent dirigés sur Ouidah où une canonnière les embarqua pour le Gabon. Behanzin demeura quelques jours à Cotonou, attendant son embarquement pour Dakar. De là il devait être dirigé sur la Martinique.

Pendant son séjour à Cotonou, Behanzin, à part la surveillance étroite dont il était l'objet, fut royalement traité. Le général avait détaché auprès de lui un de ses officiers d'état-major. Il occupait un logement dans le pavillon du commandant d'armes avec son fils et ses femmes. On l'entourait de tous les soins possibles. La garnison de Cotonou était néanmoins mobilisée ; les canons étaient chargés ; une compagnie entière montait la garde auprès de Behanzin. prête à faire feu, car on craignait un guet-apens de la part de ses partisans. Le jour de son embarquement, on le prévint qu'il ne pouvait emmener avec lui toutes ses femmes ; pendant qu'il montait sur un wagonnet qui devait le conduire au quai d'embarquement, on fut obligé d'envoyer des soldats au premier étage, où se trouvaient celles de ces hétaïres destinées à rester au Dahomey. Elles se débattaient, voulant à toute force se précipiter dans le vide, criant et pleurant à fendre l'âme. Les soldats avaient beaucoup de peine à les retenir. Je regardais ce spectacle qui ne laissait pas d'être émouvant ; et, pendant ce temps, Behanzin, assis dans son wagonnet, un long tuyau de pipe en argent dans la bouche, une calotte placée de coin sur la tête, une ample robe de chambre en soie verte autour du corps et des sandales de cuir aux pieds, assistait aux lamentations de ses femmes. Il leur parlait sans parvenir à les calmer, mais sa physionomie restait empreinte