Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/132

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de la jeunesse moderne, ayant la science amusante pour baguette. La librairie Hetzel, aurait pu faire coup double, en s’attachant par traité, en même temps que ce Jules Verne, l’autre auteur nouveau offrant son œuvre de début. Mais, bien que ce recueil de Contes, où la fantaisie se mêlait à l’idéalité la plus inoffensive, ne contînt rien de scabreux, ni même d’inquiétant, pouvant choquer ou déconcerter la clientèle, ce ne fut pas la librairie de la rue Jacob qui mit en vente le premier volume de la collection future, destinée à faire la fortune de la bibliothèque Charpentier. Les Contes à Ninon parurent, en octobre 1864, à la librairie Lacroix. Ces contes, où l’imagination, la fiction, tout ce que devait proscrire l’auteur du Roman expérimental, dominent avec la spiritualité, ont un charme d’impuberté délicieux. C’est naïf sans être simple. L’auteur y salue sa chère Provence, à laquelle il unit, dans une admiration mystique, sa Ninon, qu’il proclame belle et ardente. Il l’aime en amant et en frère, avec toute la chasteté de l’affection, tout l’emportement du désir. Il y évoque des paysages familiers, qu’il pare et qu’il arrange. Il s’y plaint de souffrances imaginaires. Il avait, pourtant, de réelles cruautés de la vie à montrer, et il pouvait peindre d’après nature, d’après lui-même, les garrigues et les ravins qu’il avait parcourus, gibecière au dos, fusil au bras et Musset dans le carnier. « Si tu savais, dit-il à Ninon, combien de pauvres âmes meurent aujourd’hui de solitude ! » Voilà un bon cri, et il a dû, plus d’une fois, l’étouffer, dans son belvédère sibérien de la rue Neuve-Saint-Étienne-du-Mont. Mais ici il l’accompagne d’arpèges jolis, et il fait courir des variations