Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/66

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faisait sous l’ombrage de quelque hêtre épais. Mollement allongés, comme des bergers virgiliens, les trois sylvains alternaient leurs propos ; ils dissertaient sur Hugo, sur Musset, avec force citations, puis chacun disait ses propres vers, et l’on rentrait en ville, à la nuit close, les jambes lourdes, et le carnier léger. Mais nul n’était revenu bredouille d’idées et d’impressions. On avait provision de grande poésie et de bon air pour toute la semaine. Cela aidait à supporter allègrement la vie provinciale, prosaïque et confinée. La famille Zola, cependant, dégringolait. On était loin du faîte de bourgeoisie, où l’ingénieur avait tant souhaité placer les siens. Les logements remplaçaient les appartements, qui eux-mêmes avaient succédé à la vaste maison bourgeoise de l’impasse Sylvacanne, illustrée par le séjour de M. Thiers. De la bastide campagnarde du Pont-de-Béraud, de la demeure bourgeoise de la rue Bellegarde, de la maisonnette de la rue Roux-Alphéran, il avait fallu reculer jusqu’aux faubourgs, et prendre un appartement modeste, cours des Minimes. C’était trop cher encore. Un logement d’ouvrier, rue Mazarine, donnant sur les remparts en ruines, dans le plus pauvre quartier de la ville, reçut enfin la famille déchue. Dans ce misérable logis, en novembre 1857, mourut la courageuse grand’mère, maman Aubert. Le grand-père et le petit Émile demeurèrent seuls, car Mme Zola, pressée par les créanciers, accablée par des procès interminables, assaillie par les réclamations d’avides avoués, ayant son mobilier en grande partie vendu, avait pris le parti de quitter Aix. Elle s’était rendue à Paris. Elle espérait trouver, parmi les anciens amis de son mari, conseils, aide, protection. Elle se promettait de voir M. Thiers. Elle éprouva probablement de dures déceptions,