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Page:Leprohon - Antoinette de Mirecourt ou Mariage secret et chagrins cachés, 1881.djvu/255

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be colonel Evelyn sera maintenant guéri de son amour par cette bonne leçon. Antoinette, tu pourras désormais flirter avec lui tant que tu voudras.

Lentement elle se tourna vers son persécuteur, et d’une voix perçante, d’un ton pénétrant :

— Audley Sternfield, dit-elle, vous m’avez fait tout le mal que vous pouviez me faire. Profanant le nom sacré de mari, vous n’avez été pour moi qu’un tyran barbare et sans cœur. Empêché, par de sordides motifs d’intérêt, de reconnaître notre mariage, vous avez voulu me dégrader à mes propres yeux et aux yeux des autres. Eh ! bien, écoutez moi : jusqu’au jour où vous viendrez me réclamer pour votre femme devant le monde, je prends la résolution d’éviter toute entrevue avec vous, sans plus m’occuper de vos menaces que de vos prières, car le désespoir m’a rendue indifférente. Je pars demain pour la campagne, et si vous m’y suiviez pour me persécuter davantage, les portes de la maison de mon père vous seraient fermées.

— Après cela, oseras-tu encore dire que tu m’aimes ? demanda-t-il avec emportement

— Vous aimer ! répéta-t-elle avec un rire amer ; vous aimer ! oui, comme le criminel aime l’instrument de son châtiment, comme le forçat aime le compagnon de bagne auquel il est enchaîné pour la vie !

— Silence, ou je ne réponds plus de moi ! s’écria-t-il avec une colère qu’il ne pouvait plus arrêter.