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Page:Leroux - Balaoo, 1912.djvu/25

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BALAOO

— Entendez-vous ? demanda la voix toute changée de Blondel.

Patrice n’eut même pas la force de répondre. Il entendit le commis-voyageur qui se levait, sautait sur le carreau de l’office et pénétrait avec de grandes précautions dans la salle de billard :

— On dirait qu’on assassine quelqu’un derrière la porte !…

Patrice, dont le métier était celui de premier clerc de notaire de son père, rue de l’Écu à Clermont-Ferrand, avait toujours montré un naturel assez timide. C’est en frissonnant qu’il se laissa glisser de son billard. La gorge serrée, le front en sueur, il admira le courage de Blondel qui se rapprochait de la porte du cabaret donnant sur la rue et derrière laquelle s’étaient fait entendre les gémissements.

Le commis-voyageur avait passé son pantalon, mais avait gardé son mouchoir sur la tête en guise de bonnet de coton.

Le gros garçon, nu-pieds, la chemise de nuit lâche au-dessus de la ceinture, et les deux bouts de son mouchoir en cornes au-dessus du front, était parfaitement grotesque. Cependant Patrice ne songea pas à en rire. Les gémissements brusquement s’étaient tus. Blondel et Patrice se regardèrent en silence, à la lueur lugubre d’une lampe dont on avait baissé la mèche au-dessus du billard. Tout le drame mystérieux dont Camus et Lombard avaient été victimes leur passait devant les yeux. C’est ainsi que, pour ces deux malheureux, l’affaire avait commencé : par des gémissements.

Et soudain ils tournèrent la tête. La porte de l’escalier conduisant à l’étage supérieur venait d’être