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Page:Leroux - Balaoo, 1912.djvu/30

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BALAOO

tion. Celle-ci n’a pas eu de peine à prouver qu’elle se trouvait loin du crime au moment où il se commettait, et qu’on avait certainement imité sa voix.

— Et où était-elle donc ? demanda Blondel.

— Elle aidait la bonne de M. le Maire à laver sa vaisselle. Il y avait un grand dîner chez M. Jules.

— Voilà un bel alibi ! ricana le commis-voyageur.

— Monsieur Blondel, vous êtes aveuglé par la politique !

Et Roubion leur versa encore du vin chaud.

— Et les Vautrin ? Est-ce qu’on les a interrogés ?

— Le juge a voulu les interroger. Ils lui ont fait répondre que la petite Zoé avait parlé pour toute la famille et que, quant à eux, ça n’était pas à leur âge qu’ils commenceraient à avoir affaire à la justice de leur pays. Puis ils ont fait parvenir à M. de Meyrentin, le juge d’instruction, un extrait de leur casier judiciaire qui, en effet, est vierge, et ils l’avaient accompagné de cette mention : « Faut nous f… la paix, S.V.P. ?… »

— Quel toupet ! s’exclama Blondel.

— Écoutez ! interrompit Patrice.

Les gémissements avaient recommencé. Ils furent debout tous trois.

Patrice flageolait sur ses jambes molles, et il faillit se laisser tomber, en percevant distinctement, extraordinairement distinctement, la phrase fatale : « C’est moi Zoé ; pitié à la maison d’homme ! »

Roubion, la main crispée sur son revolver, était d’une pâleur de cierge. Blondel dit, à voix basse :

— C’est bien la voix de Zoé. Il n’y a pas d’erreur, je la reconnais.

Et il se glissa derrière la porte.