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Page:Leroux - Balaoo, 1912.djvu/52

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BALAOO

quoi. Le point de savoir si votre neveu était ou non attendu à Saint-Martin est d’autant plus important que la question se pose de savoir qui on a voulu assassiner cette nuit : du commis-voyageur ou de M. Patrice !

Madeleine ne put retenir un cri d’horreur et devint instantanément aussi pâle que Patrice. Celui-ci reçut l’hypothèse du juge d’instruction comme un coup de massue ; le sang lui bourdonna aux oreilles, et il crut qu’il allait retourner au coma d’où il venait de sortir. Quant à Coriolis, il repoussa l’idée que quelqu’un pût assez s’intéresser à son niais de neveu pour l’assassiner. Il haussa les épaules et prononça cette phrase mordante :

— Il n’est point mêlé à nos luttes intestines et ne quitte point les jupes de sa mère.

Le docteur regretta à mi-voix que M. de Meyrentin eût pris si peu de précaution vis-à-vis d’un malade, et il traduisit toute sa pensée en deux mots :

— Ménagez-le !

Ce n’était point l’intention d’un juge qui avait dû ménager tout le monde jusque-là et qui trouvait l’occasion bonne de produire une forte impression sur un bon petit jeune homme d’où il espérait tirer enfin quelque chose.

Il mit poliment tout le monde à la porte, excepté son greffier et resta en face de Patrice qui bégayait :

— Me tuer !… mais je ne connais personne ici, et je n’ai pas d’ennemi… monsieur le Juge !…

— On s’imagine ne pas avoir d’ennemis, repartit sentencieusement M. de Meyrentin, et c’est dans le moment que l’on se croit le plus en sécurité que l’on est frappé dans l’ombre. Dites-moi bien tout ce que vous savez,tout ce que vous avez vu, entendu… et soupçonné.