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Page:Leroux - Balaoo, 1912.djvu/60

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BALAOO

— Comment pouvez-vous rester dans un pays pareil ?

— Je vais te confier un secret. Papa en a assez, lui aussi, du pays ; nous allons le quitter bientôt, partir pour Paris.

— Pas possible ! Et les noces ?

— Elles auront lieu là-bas, répondit-elle assez vaguement. Oh ! nous ne partons pas demain ! Papa a encore quelques expériences à tenter avec la plante à pain… Il dit qu’elle n’est pas encore tout à fait prête, ajouta Madeleine en rougissant un peu et en détournant la tête.

— Quelle sacrée histoire que cette plante à pain !… moi, je pense que ton père est un peu toqué comme tous ceux qui ont une idée fixe. Il croit tout remplacer avec sa plante à pain. Il aura bien des désillusions comme tous les inventeurs. Le principal, c’est que ce n’est point un méchant homme.

Ils marchaient gentiment penchés l’un vers l’autre, se faisant leurs confidences et se sentant bien chez eux dans ce véritable paradou, dans ce jardin abandonné où tout poussait à la diable ; car, dans son vaste manoir, Coriolis n’avait point voulu d’autre domestique, avec la vieille Gertrude, que son boy, un grand garçon bien tranquille et doux comme un mouton, qui ne disait pas aux gens vingt paroles par jour et qui s’était laissé ramener d’Extrême-Orient avec la plante à pain. On l’appelait Noël.

Or, Noël n’avait pas le temps de s’occuper du jardin. Il passait ses journées avec son maître, à l’extrémité de la propriété, dans un coin où s’élevait un corps de logis un peu fruste précédé d’une serre, où l’on soignait la plante mystérieuse que Patrice n’avait pu contempler que bien rarement sans rien comprendre, du reste, aux travaux de son oncle.