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Page:Leroux - Balaoo, 1912.djvu/61

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BALAOO

Ce corps de logis était entouré d’un verger sauvage fermé lui-même d’une porte qu’aucun étranger n’avait le droit de franchir. Toute cette partie du manoir était consacrée aux expériences dont Coriolis tenait, au jour le jour, un « état » qu’il rédigeait le soir dans son cabinet de travail et qu’il enfermait ensuite bien précieusement dans son coffre-fort. Le cabinet de travail de Coriolis était tout en haut du manoir, dans la tour du mirador. Le vieux s’enfermait là pour écrire des nuits entières, après avoir consacré les heures du jour aux travaux du verger.

Tout cela avait paru d’abord bien mystérieux à Patrice, surtout dans les premiers temps où l’oncle lui marquait tant de mauvaise humeur dès que le jeune homme venait au manoir. Dans ces temps-là, Coriolis avait absolument défendu à Patrice de pénétrer dans le verger… mais, depuis trois ans que la rigueur de la consigne s’était bien atténuée et que Patrice pouvait se promener partout, dans le manoir et même dans le bâtiment du verger avec Madeleine (quand l’oncle avait cessé de travailler), le clerc de notaire, s’était fait une raison qui lui permettait de tout expliquer : « Le père de Madeleine, avec sa plante à pain, est un vieux fou !… »

Les deux jeunes gens ne s’étaient pas encore embrassés. Ils y songèrent tout à coup, se firent part de cette anomalie amoureuse, et Patrice, très convenablement, comme un bon premier clerc de notaire de la rue de l’Écu, qui connaît ses droits et ses devoirs de fiancé, déposa un chaste baiser sur les cheveux de Madeleine.

Aussitôt le tonnerre éclata.

Madeleine tressaillit visiblement, devint un peu pâle