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BALAOO

Gertrude couche au-dessus de toi. Bonne nuit ! lui cria l’oncle, et enferme-toi bien.

— N’ayez pas peur, mon oncle…

Quand il fut chez lui, la première chose à laquelle il prit garde fut, en effet, de s’enfermer. Puis il regarda sous son lit, dans les armoires, dans les placards, partout.

Enfin, il eut la précaution, sa lampe éteinte, d’ouvrir tout doucement la fenêtre pour examiner les alentours et écouter un peu l’ombre de la forêt. Sa chambre était au premier étage, tout à fait à l’aile gauche du manoir. Il voyait sur sa droite, dans un retour du bâtiment, le mirador déjà éclairé pour le travail de Coriolis et puis, en bas, les lumières de la cuisine, et il entendait le bruit que faisait Gertrude, en lavant sa vaisselle, aidée par Zoé.

Devant Patrice, c’était la cour d’honneur avec les communs, les écuries, des bâtisses qui ne servaient plus à rien qu’à la lessive, une fois l’an, et à garder des provisions de pommes. Un peu sur sa gauche, presque au-dessous de lui, une autre petite bâtisse basse était le cellier, avec sa voûte obscure. La nuit était sombre, et c’est tout juste s’il pouvait distinguer bien loin, là-bas, sur la droite du jardin qu’entouraient les hauts murs, l’ombre de la demeure de la plante à pain. Mais celle-ci soudain s’éclaira. Une fenêtre brilla. Évidemment, c’était Noël qui se couchait. Et puis, presque aussitôt, la lumière s’éteignit.

Une brise légère, qui avait passé sur la plaine, apporta à Patrice l’odeur troublante de la terre. Si Patrice avait été poète, il eût goûté fortement la paix de la nature et respiré avec délice l’âme de la nuit. Mais, outre qu’il n’était pas poète, c’était, pour le moment, un garçon