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Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/112

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— Oui ! on s’aime toujours autant que lorsqu’on était gosses ! n’est-ce pas, Titin ?

— Mon Dieu ! Oui ! Toujours… Tu le sais bien, et même davantage.

— Si nous étions encore à la « Fourca » tu irais me chercher des nids et tu ferais toujours danser pour moi les chèvres de la mère Bibi. Eh bien ! c’est très gentil, ça, mon garçon !

Et elle rit encore, mais d’un petit rire qui n’était point sans une certaine amertume et qui était peut-être bien près des larmes…

Puis elle se tut et ce grand niais de Titin ne parla pas. À la vérité, il était bouleversé, à un point qu’on ne saurait dire. Il ne la regardait plus. Il ne voulait plus la voir, car il sentait que s’il tournait la tête de son côté, c’était fini ! Il la prendrait dans ses bras, l’étreindrait brusquement à en mourir et s’ils n’en mouraient ni l’un ni l’autre, ils n’avaient plus qu’à se jeter du haut du balcon, tous les deux !

Mais ce n’était pas un sort, n’est-ce pas pour Mlle Agagnosc, que de mourir dans les bras d’un Bastardon !… pas plus que d’y vivre, hélas !…

Alors ! Alors il ne la regardait pas… Il était penché sur la rampe, lui aussi, la tête dans les mains, le cœur en feu, essayant de se calmer, de se dominer, et elle non plus ne le regardait plus… Elle finit par dire :

— Tu me demandais si mon fiancé m’aime. Bien sûr qu’il m’aime !… Il m’adore ! Il fait tout ce que je veux ! Je serai heureuse avec lui ! Je serai princesse ! Il a tout pour lui.

— Il n’est plus jeune !… ricana Titin.

— Il est encore très bien ! D’un chic ! Toutes les femmes sont folles de lui !…