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Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/12

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Pour les chaussures, il semblait affectionner particulièrement « le 42 », on en avait conclu que telle devait être sa pointure. Il ne portait point de gants. Malgré ces précieux renseignements, qui semblaient attester que l’on n’avait point affaire à un gentleman cambrioleur, Hardigras restait introuvable !…

Inutile de dire que, depuis six semaines, ce « diaou » de Hardigras était célèbre sur tout le littoral. De Saint Raphaël à Menton on ne parlait que de lui. Les grands quotidiens de la Côte d’Azur avaient relaté ses premiers exploits avec un luxe de détails qui avait fini par amuser tout le monde.

On avait cru d’abord à une façon de publicité nouvelle, dans le moment où le vieil établissement niçard avait à lutter contre la concurrence triomphante des Galeries Parisiennes, mais la colère du directeur, M. Hyacinthe Supia, contre les journalistes, qu’il envoyait « en galera » (en galère, à la gare) chaque fois que ceux-ci parvenaient à le joindre, les menaces qu’il faisait entendre à l’adresse de l’insaisissable bandit eurent tôt fait de démontrer à un public d’abord incrédule que l’aventure était sérieuse.

Alors, on s’en réjouit davantage.

Il est bon de dire aussi que M. Hyacinthe Supia n’était sympathique à personne. D’abord, il ne riait jamais, ce qui est impardonnable dans un pays qui est le paradis sur la terre. Et puis, il était avare, rognant sur tout, congédiant les vieux serviteurs sous les prétextes les plus futiles, engageant les jeunes à des prix de famine. Ses employés l’appelaient : « le boïa » (le bourreau).