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Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/272

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Mais soudain il eut un sursaut terrible :

— Tu as pris ton passage, au moins ?

— Non ! fit le comte tout désemparé, car il ne comprenait point que Titin n’eût pas gagné. Mais que monseigneur se tranquillise, je le prendrai, le passage !

— Tu as donc gardé l’argent du voyage ?

Odon haussa les épaules. Cet incroyable coup du sort lui faisait oublier tout respect.

— Mais alors, avec quoi vas-tu prendre le bateau ?

— Avec « le viatique », répondit le comte triomphant enfin d’un accablement indigne de sa haute personnalité et de son illustre naissance.

— Qu’est-ce que c’est que « le viatique » ?

— C’est une somme que l’administration des jeux alloue aux joueurs malheureux qui tiennent à regagner leur patrie… Et voulez-vous que je vous dise encore une idée qui me vient monseigneur ?

— Vous allez jouer le viatique ?

— Ah ! ça, non, impossible ! Du moment que j’ai reçu le viatique, adieu le casino ! On ne laisse plus passer ! Mais voilà ce que je voulais proposer à monseigneur. Nous prenons chacun notre viatique et monseigneur part avec moi !

— Non ! Partez tout seul ! Partez, Odon !… Ceci est en dehors des instructions du prince et moi j’ai affaire ici ! Allez chercher votre viatique, Odon Odonovitch !

Quand il l’eut, le comte proposa naturellement à Titin de jouer le viatique.

— Mais je croyais, fit Titin, que vous n’aviez pas le droit de jouer le viatique ?

— Moi ! non, je n’ai pas le droit !… Mais