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Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/293

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tes les économies du ménage, cent cinquante francs, mais elle ne regrettait rien.

Elle vivait une heure inoubliable.

Elle se mit du rouge aux lèvres et de la poudre sur les joues et sur le nez qu’elle avait droit et un peu fort du bout ; aussi redoutait-elle qu’il ne fût luisant.

Ainsi parée, elle retourna dans le salon après avoir soigneusement refermé la porte de la chambre.

Elle n’était pas là depuis vingt minutes et il lui semblait qu’elle avait franchi ce seuil depuis plus d’une heure.

Elle avait la fièvre, elle s’asseyait, se levait, venait se rasseoir. Elle essaya de se dominer, de se raisonner : elle se prit la tête dans les mains. Elle sut que s’il ne venait pas, elle n’aurait plus que le goût de mourir et ce ne serait pas long.

Elle avait tant attendu ce moment, et il le lui avait fait tant attendre qu’elle n’avait plus de patience !

Elle avait une soif ardente et elle ne buvait pas. Elle étouffait de langueur et elle ne pensait pas à ouvrir une fenêtre. Elle attendrait tant qu’elle pourrait.

Elle tira en tremblant une lettre de sa poitrine et elle lut, pour la centième fois :

« Si tu veux toujours connaître Hardigras, trouve-toi demain soir un peu avant cinq heures chez le père la Bique. Tu n’auras qu’à pousser la porte de la maison rose. »

Et c’était signé Hardigras. Et c’était écrit avec des majuscules. Hardigras ne paraissait point connaître d’autre écriture que celle-là.

Elle referma le papier et le replaça sur son