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Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/423

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Il était en loques. Un pardessus informe l’enveloppait… Il était sans col, sans cravate, la chemise arrachée, la poitrine en sang. Un mouchoir bandait son front, et là-dessous une figure de martyr… pâle, pâle… Des yeux immenses, d’un éclat miraculeux et d’une douleur…

Il ne lui rendait même pas ses baisers. Il se laissa glisser sur un fauteuil et elle n’eut pas le temps de retenir sa tête qui alla heurter le mur.

— À boire ! gémit-il, j’ai soif… Et j’ai faim…

Elle sonna. La femme de chambre parut, regarda Titin et se mit à pleurer. Toinetta ne pleurait pas, elle dit :

— Mariette, tu peux le dénoncer… Tu peux nous tuer tous les deux.

— Madame, je serais morte avant !

— Alors, sauve-nous ! Donne-lui à boire, à manger. As-tu du bouillon, un peu de champagne, d’alcool… Donne-lui quelque chose.

— De l’eau !… râla Titin…

Il commença par vider à même le goulot une bouteille d’Évian, puis il dévora tout ce que Mariette lui apportait au fur et à mesure, pêle-mêle, des fruits, un énorme morceau de fromage de Gruyère, la viande froide. Il vida une bouteille de vin…

Enfin rassasié, il eut un sourire et dit :

— Maintenant on peut apporter le champagne ! Ça va mieux.

Toinetta s’était mise à genoux devant lui et lui baisait les mains, les mains noires, blessées, gantées d’une crasse sanglante.