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Page:Leroux - Les Étranges Noces de Rouletabille, 1918.djvu/134

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LES ÉTRANGES NOCES

sur elle, l’a soulevée, l’a prise dans ses bras. Elle était couverte de sang et il n’eût pu dire à qui ce sang appartenait, s’il provenait d’une blessure à elle ou s’il venait de ceux qu’elle avait éventrés avec sa terrible baïonnette…

Il lui parlait, elle ne lui répondait pas.

Elle se débattait pour qu’il la lâchât.

— Mais tu veux donc mourir ?… s’écria-t-il avec des sanglots.

Et elle clama désespérément :

— Oui ! oui ! oui !

Et elle lui glissa d’entre les bras pour courir encore à sa furieuse besogne, et il tourna la tête pour ne plus voir sa figure farouche de reine des batailles.

Quand, cette nuit-là, Akmatcha fut pris, Karakoï fut pris et que les troupes victorieuses se furent couchées, en attendant l’aurore, sur leurs positions, Rouletabille eut toutes les peines du monde à empêcher Ivana de dépasser la ligne des avant-postes.

Elle voulait combattre encore, poursuivre la mort, qui décidément la fuyait.

Elle avait une blessure à l’épaule droite qui saignait abondamment. Elle se défendit d’être soignée, et on lui banda son épaule presque malgré elle. Enfin elle s’allongea dans une tranchée et s’endormit, accablée.

Rouletabille la veilla jusqu’aux premiers feux du jour.

Et c’est ce jour-là, 24 octobre, que se passa cette chose étrange que fut la prise de Kirk-Kilissé.